Forge et
Coutellerie
par Gérard HEUTTE
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Normalisation
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Utilité
Lors du travail à chaud de la lame, les montées en température risquent
de faire grossir le grain de l'acier. De même, une lame travaillée par
enlèvement de matière devra subir ce traitement, car on ignore tout de la structure du
métal à l'achat : Le grain peut être plus ou moins gros.
Voir le phénomène en détail sur
la page consacrée au grain de l'acier
.
La normalisation est donc un traitement thermique destiné à affiner le grain. De
plus, une normalisation correctement conduite permet d'éviter presque à coup
sûr les déformations à la trempe.
Tous les aciers ne tirent pas un bénéfice similaire de la normalisation. C'est
le cas des aciers inox. La présence importante de chrome modifie fortement les
données !
Cycle thermique
Voilà schématiquement le cycle thermique de normalisation :
Et les différentes phases :
(1) Chauffage
Le chauffage se fera à vitesse modérée.
La température de normalisation (TN sur le graphe) est spécifique à chaque
acier.
A défaut de données précises, deux possibilités :
> Même température que pour le recuit.
> AC3 +30°C à 80°C (pour les hypoeutectoides) ou AC1 +30°C à 80°C (pour les hypereutectoides)
(2) Palier
La température de normalisation sera maintenue pendant un court moment, aux alentours
d'une minute et un peu plus pour les pièces massives.
(3) Refroidissement
Le refroidissement devra être suffisamment rapide pour éviter le grossissement
du grain. A l'inverse, il ne doit pas être trop rapide et créer de la
Bainite ou de la Martensite.
Le schéma ci-dessus fait apparaître trois cycles successifs. Pour démarrer
un nouveau cycle, on laissera diminuer la température jusque vers 450-500°C.
Chaque cycle se fera de préférence avec une température légèrement
inférieure au cycle précédent !
Si la lame se déforme à l'issue d'un cycle, il faut redresser la lame et
recommencer le processus au départ. Sinon, le redressement de la lame ne suffira pas
à éviter les déformations à la trempe.
Mise en oeuvre
De même que pour le recuit, un four de trempe peut être très utile pour
la chauffe et le palier. Mais pour le refroidissement, la baisse de température ne sera
pas assez rapide.
On chauffera donc l'acier à la température de normalisation puis on le
maintiendra le temps nécessaire (environ une minute). Cette opération pourra
se faire directement à la forge. Dans une forge à charbon, on bougera la lame
dans le feu pour une chauffe complète et homogène.
Il faut ensuite sortir la lame de la forge avec des tenailles pour le refroidissement.
Plusieurs possibilités :
> Laisser tranquillement la lame refroidir à l'air libre. Je trouve ce refroidissement
un peu lent.
> Mettre la lame devant un (gros) ventilateur.
> Balancer la lame par un ample mouvement du bras. C'est ce que je fais habituellement.
La lame va rapidement refroidir en passant du rouge-orange au rouge sombre, puis au noir.
C'est à ce moment qu'on vérifiera la rectitude :
> Si la lame est tordue, il faut la chauffer à température de forge et
la redresser. On devra recommencer les trois cycles complets de normalisation !
> Si la lame n'a pas bougé, on passera au cycle suivant.
Pour le cycle suivant, il faudra essayer de monter un peu moins haut en température.
Notes
> On fait en général trois cycles. Ce nombre ne doit rien au hasard. Les essais
et les analyses ont montré que le premier cycle était très efficace. Chaque
cycle successif est un peu moins efficace que le précédent ! Le
quatrième n'a pratiquement plus d'effet perceptible ! On s'arrête donc à
trois cycles !
> La normalisation permet de s'assurer une bonne finesse de grain. C'est un traitement
thermique fortement conseillé !
> Il est tout a fait possible d'obtenir un grain fin sans normalisation. Il faut avoir une
méthode de travail très rigoureuse au niveau des températures. Bien
souvent, les forgerons qui ne font pas de normalisations finissent leur ouvrage en
"blanchissant" la lame. Cette opération consiste à travailler dans
la plage inférieure des températures de forgeage (et en dessous) en martelant doucement
la lame avec un marteau et une enclume abondamment mouillés ! Cette opération
fait sauter la calamine, améliore l'état de surface de la lame. En
terme de traitement thermique (i.e. température et temps), elle présente une
forte similitude avec la normalisation ! ! !
Auto-test
Pour être sûr de bien faire, expérimentation et test sont nécessaires.
Voici une méthode pratique pour valider le processus de normalisation.
(1) Prendre un morceau d’acier (XC75), chauffer à l’orange pendant un quart d’heure pour
augmenter la taille du grain. Tremper à l’huile l’extrémité de la barre.
(2) Casser l’extrémité de la barre en la serrant dans un étau et
en l’entourant d’un chiffon pour éviter les éclats.
(3) Garder ce morceau comme référence de ce qu’il y a de plus mauvais.
C’est ce qu’il faut éviter ! Ce morceau doit avoir un gros grain, comme du sucre,
brillant et rugueux.
(4) Faire 3 normalisations.
(5) Tremper et casser l’extrémité de la barre comme ci-dessus.
> Si le grain a diminué, le processus est bon. Le grain doit être invisible
à l’oeil nu. Si une loupe est nécessaire pour le voir, c’est OK !
> Si le grain a grossi ou n’a pas diminué, l’acier était trop chaud ou
trop froid...
Ne pas hésiter à refaire ce test de temps en temps pour être sûr
de ne pas avoir de dérive. Il est très facile de faire les normalisations
un peu hautes en température, ce qui diminue leur efficacité.
D’après un
post de Umbo/Greg sur forgefr,
avec son aimable autorisation.
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